Feeds:
Articles
Commentaires

La nuit a été très froide. Quand je dis froide, c’est vraiment très froide.  A tel point que cela m’a réveillé en pleine nuit. J’ai du enfiler une paire de chaussette et me couvrir de…. ma couverture de sécurité. Je ne m’attendais pas à ce qu’il fasse un froid aussi vif. Et au réveil quand je discute avec mon nouveau compagnon de route, il me confirme lui aussi n’a pas franchement  eu très chaud. Malgré la fraîcheur ce camping au milieu d’une clairière de pins est agréable. De temps à autre, un lapin traverse les fourrés et vient se perdre entre les roues des caravanes.  Caravanes et mobile homes très bien aménagés. Certains ne semblent pas supporter de partir en vacances sans leur salon, et il n’est donc pas surprenant de voir sous l’auvent de la caravane de ces vacanciers – en majorité tous des Hollandais – une télé massive, des meubles en rotins et des lampes de salon imposantes…

On rassemble les affaires et on se met en route. Première étape, Austerlitz. La carte indique « Pyramide ». Décidément Napoléon aimait tellement les pyramides qu’il en colla partout. La route qui y mène est sinueuse et boisée, on traverse un petit sentier, le soleil apparaît derrière les arbres, le ciel est bleu, un temps idéal pour rouler. A l’entrée du champ de bataille, quelques animations qui raconte un peu l’historique. Pour se rendre à la « Pyramide » il faut prendre un sentier sablonneux. On pousse donc les vélos sur quelques mètres.

la Pyramide est immense et impressionne. Dressée au milieu de la clairière, elle était – l’époque de notre passage – fermée au public pour rénovation.  Par ailleurs, la Pyramide ne commémore pas la Bataille car elle fut construite… avant, en 1804, par le Général  Marmont qui souhaitait donner un peu d’occupation à ses hommes dont le campement était à proximité et elle permettait d’observer l’ennemi… et que la bataille d’Austerlitz a eu lieu….. en République Tchèque. En 1805, pour commémorer la victoire, on donne son nom à cette pyramide (c’est tout à fait logique). Car le Austerlitz Hollandais n’est que le village fondé par un des frères de Napoléon à l’emplacement du camp de soldats de Marmont qui s’entraînaient pour envahir l’Angleterre. Vous suivez?

Après ses considérations historiques (comme quoi ce fut un voyage des plus culturels), on reprend la route. Mon idée est de rallier Arnhem – la ville au centre d’une des batailles de la Seconde Guerre Mondiale, « Market Garden » qui devint plus tard le film « Un Pont trop Loin » qui fut un échec cuisant pour les Alliés et qui retarda la fin de la guerre de plusieurs mois). On traverse des sous bois, on roule à bon rythme. Je note surtout que Julian possède un vélo bien moins lourd que moi, de sorte qu’il se retrouve parfois loin devant, là où moi une simple côte suffit à me faire perdre plusieurs mètres – mais ce n’est pas une course.

Au détour d’une route, spectacle étrange. Une voiture dans un fossé, un homme au téléphone, la mère et les deux enfants à côté. L’accident est tout récent de l’ordre de quelques minutes. Il nous dit que tout va bien, on continu la route. On va faire une pause à Veenandaal, juste après la première vraie petite colline de Hollande. Ensuite, toujours en suivant les indications GPS de Julian, on roule à travers bois, le sentier est étroit mais c’est assez agréable toute cette forêt autour de nous.

Un peu plus tard, on s’arrête à Ede. La route devient de plus en plus pentue par endroit. Je goûte des poffertjes, sorte de pancake locaux. Juste à côté de ce restaurant, un tank de la 2eme GM.

Plus on se rapproche d’Arnhem, plus on croise des monuments commémoratifs de la bataille « Market Garden ». La campagne en est constellée. De petits monticules, des stèles, parfois une simple indication sur un panneau. Tous en rapport souvent avec les nombreux parachutistes largués dans les environs.

Parfois le GPS nous fait couper à travers bois, on se retrouve sur des pistes de terre mais c’est pas gênant avec ce genre de vélos. On croise quelques promeneurs, on a un très bon rythme, le paysage, la forêt est vraiment superbe.

On roule ainsi de longues minutes avant d’arriver à Arnhem. La ville a beaucoup souffert de la guerre, comme dit plus haut. Mais elle a de beaux restes. De beaux pavillons, une certaine douceur de vivre. On traverse le fameux pont. Les Hollandais l’ont d’ailleurs rebaptisé du nom du soldat qui commandait la garnison chargée de défendre le pont contre les nazis.

Le Pont s’appelle désormais « John Frost Bridge ». Tandis qu’on se repose, une femme s’approche de nous et nous parle. Elle tient un discours des plus incohérent. Selon elle la guerre n’est pas finie, nous montre un immeuble qu’elle n’aime pas, nous assure qu’elle est la fille d’un soldat américain avant de repartir aussitôt…. En repassant le pont dans l’autre sens et donc revenant dans le centre d’Arnhem on peut apercevoir des sculptures au pied du pont, symbolisant la résistance des soldats anglais, des ailes brisées.

On retraverse le pont donc. Mon panneau à l’arrière de mon vélo commence à montrer des signes de fatigues. Je suis un peu superstitieux là dessus, je fais attention à ce le panneau soit toujours en état, il m’accompagne depuis le début. J’en suis à mon troisième carton depuis le départ.

On aborde une première côte, assez sévère. Je vois partir Julian loin devant. On s’aventure dans un parc naturel, superbe: le parc du Veluwezoom.  Magnifique région, une des plus belles traversées depuis le début.

Le parc est vraiment superbe, plusieurs fois on va mettre pieds à terre pour prendre quantité de photos et profiter du paysage, du silence qu’il y règne. La route est pas mal, c’est une longue dalle de béton. Julian a repéré un camping à proximité, à Olburgen, un petit village. Pour s’y rendre, il nous faut prendre un petit bac.

On arrive au village. Il semble y avoir comme une ambiance de fête, mais les manèges sont arrêtés et le village curieusement vide. Plus loin sur la route on aperçoit comme une sorte de char de fête. Des gens dessus, avec des instruments, jouent tandis que le char avance lentement dans la campagne… Le camping est bien caché derrière une très haute haie. Mais à première vue, il l’air pas mal. On a surtout remarqué le panneau « PISCINE ». Il y a aussi un petit port de plaisance.

On installe nos affaires puis on va se plonger dans la piscine et après une telle journée, c’est un vrai bonheur, un luxe quasiment, le salaire pour tous ces coups de pédales et de kilomètres. Puis on va grignoter un peu au restaurant du camping. Dans la soirée on sympathise avec d’autres clients du camping, des cyclotouristes comme nous. Un couple d’Allemands et leur deux enfants.  Tout ce qu’il y a de plus classique. A ceci près que le plus jeune enfant est handicapé, souffrant de gros retards, ayant du mal à être attentif. Les parents nous expliquent qu’ils l’ont malgré tout entraîné à faire du vélo depuis plusieurs années et l’enfant s’en sort plutôt bien, capable de faire au moins 30km par jour, faisant de grands progrès chaque jour. Même si sa soeur est obligé de veiller sur lui à tout moment, ça reste un beau message d’espoir. Et demain on passe en Allemagne.

Au matin, j’ai encore très mal à la jambe. Mais uniquement quand  je touche la région douloureuse. J’ai un sacré hématome. D’autant qu’il y a une autre inquiétude et non des moindres. L’horizon est barré d’un formidable nuage noir. Je prépare activement mes affaires, histoire de ne pas me retrouver sous la pluie. Je sais la route que je vais prendre à peu près, en direction d’Utrecht.

Tandis que je range mes affaires, le ciel devient vraiment, vraiment très sombre. J’hésite à m’abriter d’abord sous le viaduc qui mène au camping de Zeeburg.  Mais la pluie ne vient pas, je me contente de recouvrir mes affaires des sacs poubelles – pas forcément esthétique de prime abord mais peu cher et presque aussi efficace qu’un sac étanche. Presque. Finalement, je tente le diable et m’élance, malgré l’horizon toujours barré.

La pluie va me surprendre juste quand je descends du viaduc. Une pluie en torrent, l’eau recouvre la route, les trottoirs, le vent se transforme presque en tempête. Je trouve abri sous un grand arbre, le temps que cela se calme. Je croise encore des courageux sur leur vélo hollandais qui traversent le rideau de pluie. Je reste ici de longues minutes, l’eau commence à ruisseler au travers des feuilles de l’arbre. Au bout de 20 minutes l’averse s’arrête enfin. Je reprends mon périple jusqu’au centrum. De là je vais prendre la piste cyclable qui me mènera jusqu’a Utrecht. Elle longe un canal sur des kilomètres.

Arrivé au début de cette piste, je me retrouve bloqué de nouveau, non par la pluie mais pas quelque chose de peu banal. Un troupeau d’oies qui a décidé de squatter la route.

Comme pouvez le voir, le vélo ainsi paré de ces sacs poubelles est franchement pas esthétique. D’autant plus que les sacs sont très sensibles aux coups de vents. Le vélo, déjà peu manœuvrable à cause du poids est encore plus soumis à ces contraintes. Il faut rouler avec prudence.  Je laisse passer les oies, me restaure puis reprise de la route.

La piste traverse une banlieue sympathique, un peu cossue par endroit. C’est très calme, le fond de l’air est frais mais la pluie ne semble plus être de la partie. Je m’arrête pour faire quelques courses, pour me rendre compte (encore) que ma carte bleue ne passe toujours pas dans ce coin de l’Europe.  Un aller retour au distributeur le plus proche, puis un rangement des provisions dans les sacs et hop on repart.

La route est tout simplement superbe. On longe un canal qui traverse de superbes villages et des maisons voir carrément des villas de plus en plus cossues.

Je prends une pause à Nieuwersluis. De superbes péniches défilent sous le pont à bascule, l’endroit est très paisible.

Ici certains se sont fait bâtir leur petit chez soit juste au bord du canal. On ne compte plus les villas, les petits châteaux. Je croise même une barque remontant le canal, avec à son bord une douzaine de personnes entrain de vider des coupes de champagne. Sans ironie aucune, l’endroit fait rêver.

Et des maisons de ce style, il y en a tout le long, jusqu’à Utrecht. Parfois un village, un autre pont à bascule, une péniche qui s’étire de manière paresseuse sur le canal.

J’arrive enfin à Utrecht. La piste débouche sur quelques péniches posées le long d’un quai. Des péniches d’assez bon standing, avec de grandes baies vitrées. Sur le bord de la route une fille en sous vêtement fait sa gym. Je me dis que ça doit être le tempérament Hollandais avant de percuter qu’il s’agit ici ni plus ni moins que du Quartier Rouge d’Utrecht. Les filles vivent dans ces péniches, un peu à l’écart de la ville. Je traverse la ville un peu vite, mais l’endroit est superbe, avec ces petits canaux et le coeur historique de la ville. Un de ces endroits où je reviendrais sans nul doute.

Je prends une pause à l’ombre de la cathédrale. Puis je reprends la route. Je traverse un parc aménagé autour d’anciennes fortifications militaires. En regardant ma carte, je trouve un nom, assez familier. Austerlitz. Je m’étonne d’abord que les Hollandais donnent des noms de gares françaises à leur village. Après tout. Avant de comprendre. C’est le village de la bataille d’Austerlitz. Dans ma tête je le situais plus en Belgique ou Allemagne mais pas ici. Je me décide à y faire un tour avant de trouver un camping.

Sur la route, j’arrive à Zeist. Je me pose un temps près d’un enclos où sont élevés des cerfs. Enfants et touristes viennent leur jeter des bouts de pains. Plus loin au carrefour, un camping. Je me décide à remettre Austerlitz au lendemain. J’ai parcouru dans les 70km ce qui est dans la moyenne que je me fixe. Tandis que je fais la queue à l’accueil, un autre cycliste voyageur arrive, un Australien. Puis des Néo-Zélandais.  Si l’Australien roule dans la même direction que moi, vers Berlin en suivant la R1, le couple fait l »inverse et vont vers Amsterdam.

On prend nos emplacements. Avec Julian, l’Australien, on se met d’accord pour rouler ensemble demain, étant donné qu’on va dans le même sens. J’avoue n’avoir jamais pensé au fait de rouler avec quelqu’un jusqu’ici. En roulant seul, on limite les pépins techniques à sa seule personne, on ne dépend de personnes, du retard ou du choix d’une route d’autrui. Jusqu’ici j’ai bien apprécié cette indépendance teinté  d’égoïsme. On verra si tout cela est soluble dans une route à deux.

J’ai cru que le temps super ensoleillé de la veille allait se poursuivre, mais peine perdue. Quand je me réveille, la pluie tape sur les parois de la tente, le ciel est complètement bouché. Je mise sur un possible changement de temps mais le crachin ne cesse pas et c’est recouvert d’un grand poncho que je reprends le vélo – allégé de toutes les sacoches – pour une visite d’Amsterdam. Après un énième saut de chaîne – que je dois réparer sous une pluie abondante – je prends la route. Je maudis déjà cette journée. Vient ensuite le franchissement du viaduc qui vous ramène de Zeeburg à Amsterdam, le vent de face, les gouttes épaisses, les nuages sombres, tout cela n’incite pas à monter en selle. Qu’est ce que je fais ici à me les geler alors que je serai tellement bien au chaud sous ma tente… Et bientôt je vais me rendre compte combien j’aurai mieux fait d’y rester….

Finalement, quand j’arrive en centre ville, la pluie semble s’être arrêtée pour de bon. A part quelques rafales un peu humide, rien de bien méchant. Je peux à loisir déambuler sur les quais. Je vois une silhouette imposante dans le lointain qui évoque celle d’un navire immense – c’est en fait un musée. Et amarré juste en face, un vieux navire.

C’est le NEMO, une sorte de grand musée de science, si ce n’est le musée des Sciences. Son allure est un hommage logique à l’histoire du port d’Amsterdam et de ses navires. En face de lui, une réplique du « Amsterdam », navire-musée du 18eme siècle.

Tout le quartier est en pleine rénovation, on construit, on démolit à tout va. En m’engageant sur une des passerelles – mais au balisage clairement marqué, séparant piétons et cyclistes, un môme déboule devant, je freine de justesse – premier avertissement ( et dernier). Je roule ensuite le long des quais qui bordent les canaux.

Il y a une ambiance, un quelque chose qui donne envie de flâner, de prendre son temps, rythmé aux sons des carillons. Mais la pluie commence à faire son retour après cette accalmie d’une heure. Je dois remettre mon poncho. Je m’engage sur un des ponts au dessus des canaux, des ponts très arrondis et dont le bout qui rejoint le quai est marqué par une butée. Tandis que je roule, j’essaye de réajuster mon poncho. Je me rends compte que j’arrive un peu vite sur cette butée, je freine. Sauf que je freine trop brusquement, bloquant la roue avant. L’accident est inévitable. Je fais un soleil complet, passant au dessus du vélo, atterrissant lourdement sur le pavé. Dans le mouvement, la tête a touché aussi le cadre, mais j’avais mon casque – une chance.

Mon premier réflexe est de me mettre debout, ma jambe a heurté le cadre et ça sent plutôt mauvais. Mais visiblement, bien que la chair soit méchamment marquée, l’os n’a rien – sinon je ne me tiendrais pas débout et je hurlerais à la mort. La jambe a tapé à quelques centimètres de l’os, monstrueux coup de chance. Mais je morfle quand même. Le vélo n’a rien. Je claudique sur le pavé, ma jambe me lance. En écrivant aujourd’hui, je me rends compte d’un truc: à l’époque je ne suis même pas allé voir un médecin, ni entré dans une pharmacie. Mon diagnostic était basique: si tu peux pédaler encore c’est que ta jambe est ok. Basique, inconscient mais bien que la douleur de la jambe resta persistante durant quelques jours, cela ne me gênait pas dans mon effort quotidien. Je vous conseille quand même de pas faire ce genre de connerie.

La pluie redoublant, il devient quasi impossible de rouler et dans mon état, avec ma jambe, complètement suicidaire. Je grignote un peu, me réchauffe. Puis une fois que la pluie a cessé, je reprends ma balade, mais à un rythme moins soutenue. Je roule au hasard des petites rues et des canaux, à l’écart des touristes, je découvre des havres de paix, reculés.

Je me retrouve dans l’ancien quartier d’Ann Franck et décide de poser le vélo pour visiter le musée consacrée à sa « cache », l’appartement familial transformé en redoute pour cacher plusieurs familles. On ressort pas indemne de la visite. Je déambule ensuite au hasard des rues, profitant d’un retour du soleil.

Parfois l’envie me prend de simplement me poser sur un des bancs le long d’un canal, vous regardez passer les gens, les carillons sonnent aux alentours, c’est une ambiance, une atmosphère unique.

Evidemment l’envie est forte de vouloir rester plus longtemps, il y a encore beaucoup de chose à voir et apprécier mais j’ai un planning à respecter. Je ne suis pas allé traîner dans le « red quarter », mais je m’en suis approcher assez pour recevoir en pleines narines des effluves délicates de touristes en goguettes et de frites. J’ai passé mon tour. Je tourne encore un peu sur les quais, fais quelques photos puis retour à Zeeburg, je dois reposer ma jambe.

Retour au camping, toujours aussi bondé. J’avais mal ajusté ma tente, du coup l’humidité a filtré, mouillant mon duvet. Entre deux averses j’essaye de le sécher. La nuit va être difficile, beaucoup de bruits, dur de trouver le sommeil et la douleur lancinante dans la jambe….

Il fait très beau ce matin là, la journée s’annonce chaude. Pas un nuage. Avant de partir je salue la propriétaire du camping pour sa gentillesse et lui promets une carte postale de Berlin, une fois que je serai arrivé – si j’y arrive.  Je prends la direction de Delft dont on m’a dit beaucoup de bien. J’y arrive rapidement, en fin de matinée. La ville est superbe, très préservée, avec ses canaux. Il fait très bon, le temps incite à rester, se poser sur les bancs le long des canaux, pas s’activer derrière un guidon pour rallier Amsterdam.

L’étape du jour risque d’être longue, sans doute dans les 100km, je dois faire vite. Je passe sur la place de la ville, près d’un canal, quelqu’un a redécoré son café dans les couleurs d’un établissement typiquement français.

Le carillon sonne de temps en temps,  J’ai vraiment du mal à me mettre en route… En sortant de la ville je rencontre Anoushka,  une étudiante Hollandaise intriguée par mon panneau « Paris Berlin ».

Elle n’arrive pas à croire que je suis venu par mes propres moyens depuis Paris. Elle me dit que je suis le premier voyageur de ce type qu’elle croise. Car si le vélo est un sport nationale en Hollande, c’est plus rare de croiser des gens qui effectuent d’aussi longues distances, d’après ses propos. Je lui explique donc mon parcours, mon matériel, pendant une bonne demie heure.

Direction Leiden dans un premier temps, je continue de suivre la R1 mais la signalisation me fait parfois des blagues. Et ça va être le running gag de la journée en fait.  Car si ici le panneau m’indique « Amsterdam 38km » et que si j’en crois mon compteur j’en ai pour l’instant fait une bonne trentaine, je suis loin d’imaginer que le double m’attend en fait. C’est là toute la joie de ce genre de voyage.

Je vais ainsi plusieurs fois tourner en rond, prendre à rebours des routes, devoir bifurquer. D’ordinaire la R1 suit l’autoroute qui mène à Amsterdam. A Leiden, la R1 est tout bonnement coupée, en travaux. Premier  détour.  D’autres suivront. Plus loin, c’est un pont qui reste levé qui m’oblige à rebrousser chemin. Le plus dur étant cette route parfaitement rectiligne par moment.  Par chance, c’est rigoureusement plat, mais avec un léger vent de face mais sans comparaison avec les jours passés.

Donc je continue bien de suivre cette autoroute mais parfois en diagonale. Je dépasse l’aéroport de Schiphol, les avions font du rase motte au dessus de ma tête. J’entre dans Amsterdam par sa banlieue sud et le plus dur commence. Parce que je vais tourner en rond méchant. J’ai repéré un camping à l’extérieur de la ville, idéal pour les routards. J’essaye de trouver mon chemin mais ça s’avère assez difficile, j’ai bien une carte du centre ville sur un de mes cartes mais je n’arrive tout simplement pas à savoir… dans quelle partie de la ville je me trouve.

D’autant que mon compteur m’indique près de 100km et mes jambes commencent à souffrir pour de bon. Je demande mon chemin en anglais. Finalement, quelqu’un me conseille et m’accompagne sur quelques kilomètres. L’homme possède un vélo hollandais traditionnel… mais un vélo âgé de plus de soixante ans. Il l’a entièrement retapé et il roule comme au premier jour.

J’ai donc retrouvé mon chemin. Le camping de Zeeburg se trouve sur une île, on doit faite un détour pour s’y rendre. On traverse un sorte de camp, avec des caravanes et des camionnettes, mi-campement de fortune mi-communauté. Devant le camping qui domine le port, un vieux semble monter la garde avec chien loup au regard un peu fou.

Je ne rêve que de planter ma tente et de m’allonger. A l’accueil, on me dit  d’abord de chercher un emplacement pour ma tente et de revenir ensuite pour m’inscrire. Si je ne trouve pas, il me faudra trouver ailleurs.  Devant moi, des personnes qui viennent à deux ou trois, en voiture ou en camionnette se font poliment refouler – l’endroit est plein à craquer.

Le camping est divisé en plusieurs zones, j’arpente chacune d’elle à la recherche d’une place mais cela s’avère franchement impossible. Finalement je trouve une place, et m’installe, coincé entre deux autres tentes. On est vraiment les uns sur les autres.

Je termine mon installation, une bonne douche, une pizza énorme. Demain jour de repos histoire de profiter de la ville. Je sais aussi que si je m’en tiens à mon planning, ce sera mon dernier jour de repos avant Berlin. Quand je regarde la carte, la chose me semble bien improbable, vu qu’il me reste à traverser encore l’Est de la Hollande et quasiment toute l’Allemagne…. J’essais de trouver le sommeil, malgré le bruit.

Une fois de plus, il pleut quand j’ouvre les yeux. Je déjeune une fois de plus à l’intérieur de la tente, j’attends que la pluie cesse.  Je ne sais pas vraiment vers où je roule. Tout ce que je sais c’est que je vais essayer de me rapprocher de Rotterdam mais sans y entrer, en vélo ce genre de ville peut se révéler dangereuse. On m’a dit aussi que Delft (la patrie de Vermeeer) est un endroit à voir en priorité). Vu que la route est assez plate, je me dis qu’il y a peut être moyen de battre un record de distance aujourd’hui. Finalement vers 9h30, je peux enfin partir. Je prends la direction de Veere comme on me l’a conseillé hier.

Et quand j’arrive sur place, c’est un sacré choc. Ce petit village, avec son port, est une merveille, un de ces coins qu’on ne veut plus quitter, tant il semble y faire bon vivre. Les voiliers qui sortent lentement du port, quelques bateaux qui circulent sur le  bras de mer. Il fait un temps clément. Je vais pour acheter quelques cartes postales. J’entre dans ce qui semble faire office de librairie, papeterie et poste. De vieux livres sur les étagères, des collections de cartes postales, un petit vieux en costume soigné derrière son bureau.

Je me promène sur le port, avec ses vieux canons dirigés vers la mer. Des plaques pour les touristes racontent l’historique du coin. Port prospère au XVIIeme siècle, il reçut même la visite de Louis XIV quand il guerroyait par là. Puis le port a périclité pour n’être aujourd’hui qu’une simple mais très belle halte nautique.

Je poste mes cartes postales puis reprends la route.  Et tandis que j’aborde la route qui longe la côte, je déraille. Je peste, je mets les mains dans le cambouis. Puis je repars. Plus loin, je dois partager la route avec… des poneys. Une école d’équitation promène ses élèves sur la route. Un à un, ils se rangent sur le côté pour me laisser passer. Quand j’arrive à Breezand, je prends la piste cyclable installée sur la dune, dominant l’océan, on a une vue d’ensemble de la rade, le paysage est superbe. Au loin on peut voir le pont qui fait office d’écluse, régulant les marées.

Je me dis aussi qu’en longeant de la sorte la côte je vais me retrouver à rouler contre un fort vent de face et avec un vélo très lourd, la partie ne s’annonce pas facile, mais le paysage en vaut la chandelle. Et quand on se retrouve sur ce monstre de pont c’est très impressionnant, on peut entendre les turbines en contre bas, le vent nous fouette le visage, le vélo se met même à tanguer quelque peu. On a réellement le vertige. Mais le plus dur c’est le vent de face qui ne semble pas faiblir depuis le début. Je dois souvent m’arrêter, à la limite de la fatigue. Les jambes commencent à faire mal par moment. Je ne sais pas où je vais m’arrêter ce soir, je vise la périphérie de Rotterdam.

Les pistes par contre ont ce petit soucis de ne pas être le plus court moyen d’aller d’un point A vers B mais de slalomer dans le pays, ce qui peut parfois me faire perdre quelques précieux kilomètres. A un moment, à court d’eau, je dois m’arrêter dans un village cossu. Je demande à une femme entrain de faire son jardin si ellle peut remplire mes gourdes. Puis je repars. Bien que toujours avec le vent de face, la route reste assez plate, ça compense quelque peu. Je regarde mon compteur kilométrique et les chiffres m’effrayent, 50km à 16h, plus de 90 à 17h. Je vais essayer d’attraper le bac de Rosemburg – ce qui me rapprochera de Delft (dont on m’a dit beaucoup de bien). Quand j’arrive près du bac, j’en suis à plus de 100km de parcouru, ma limite physique étant dans les 80/90km. J’ai jeté un oeil sur le net, il y a un camping près de la ville, mais à quelle heure je vais y arriver, il est déjà près de 18h….

Après une pause sur la piste cyclable qui longe une autoroute, j’arrive de justesse pour prendre le bac – et coup de chance, j’ai à peine ce qu’il faut pour payer la traversée, sans ça j’étais quite pour me mettre en quete d’un DAB et rester de ce côté ci de la rive….

Tandis que je roule tranquillement vers Delft, le soleil couchant vien illuminer les paturages de chaque côté de la piste qui traverse le bocage. J’en profite pour finir mon tube de lait cencentré… dont le bouchon me glisse des mains. Je m’arrête, rapide demi tour. Je suis sur le point de repartir quand je fais tomber le sachet d’une de mes barres de céréales. Je lâche un juron. Et c’est là que je me sens subitement très observé. J’entends comme un piétinement? je lève les yeux – en face de moi des veaux, sans doute attirés par mon attirail et mes gesticulations, se sont massés contre la cloture, quasi hilares. Devant le côté absurde de la chose, je leur lance « Oh, quoi, ça vous fait rire? ». Moui au bout d’un moment à rouler tout seul on se met à parler à tout, à son vélo, aux vaches, à la route, à ses ustensiles de cuisines. La routine.

Je remonte en selle, je commence à être vraiment épuisé. Au détour d’un carrefour j’aperçois un panneau « mini camping », tout proche. Je décide que j’ai assez roulé pour aujourd’hui.  C’est un camping à la ferme mais avec toutes les commodités d’usages et des animations pour enfants. Au moment de régler ma nuit, la tenancière me fait comprendre que ma CB (mastercard) ne sera pas acceptée pour le paiement. Et le distributeur le plus proche est à 6km ( 12 km aller retour). Finalement, quand elle comprend que je sors d’une étape de 100 km, elle me fait cadeau de la nuit. J’avoue ne pas vraiment en revenir. Je lui promets de lui envoyer une carte postale de Berlin, une fois arrivé.

Ce matin du 1er août il fait bien meilleur que la veille.  Le soleil est radieux. La nuit a été un peu difficile, un peu de bruit dans le camping. J’ai même un peu de mal pour monter mon paquetage sur le vélo.  Je ne suis pas le seul à prendre la route ce matin, il y a là aussi quelques familles en vélo. Mais eux redescendent  vers le sud. Aujourd’hui direction les Pays Bas, je prendrais le ferry à Breskens. Je me suis décidé à filer vers Amsterdam.

La route est belle et calme en ce dimanche. Je croise pas mal de cyclistes en vadrouille. Je prends direction Koolkerke, je m’arrête près d’un canal pour me restaurer une première fois.  Vers 10h15, je dépasse les 500km cumulés depuis mon départ de Paris.

Vers 11h30 j’arrive près de la frontière, je la franchie dans le petit village de Sint Anna Ter Muiden. Au détour d’une rue, je croise un couple sur le point d’embarquer dans leur Opel, très belle voiture. On discute un peu, il m’explique qu’elle est d’époque et bien restaurée.

Je prends la direction de Sluis, pour y prendre ma pause casse croûte. Surprise en arrivant là bas: vu que c’est dimanche, tout le monde est de sortie dans les rues. On se promène en famille, en touriste.  Les bords du lac, les rues piétonnes, les terrasses des restaurants sont bondés. Mais l’endroit est très joli.

Tout en me restaurant, les gens viennent me parler, intriguer par la petite pancarte « Paris Berlin » à l’arrière du vélo. Une personne, une dame d’un certain âge, m’explique non sans humour l’attrait du village pour les Belges « Il n’y a pas un Belge qui ne soit pas venu à Sluis ». Car il y a peu, c’était le premier endroit le plus près de la frontière où l’on pouvait trouver du… porno.

Mais si le porno a disparu – à part deux ou trois magasins spécialisés – les gens continuent de venir à Sluis en famille, se reposer sur les berges du lac, y faire du pédalo. Je me promène un peu dans le centre ville, très beau, très agréable.

Sur la place du village, près de l’église, un groupe de cartoonistes dessinent. Avant de repartir, je m’arrête dans un magasin cyclo – quelque chose qui ne manque pas en Belgique et Hollande. Je change mon klaxon trompette pour une vraie sonnette, car comme dit mon précédent billet, l’oreille des piétons est plus habituée au son d’une sonnette traditionnelle.  Direction Breskens et son ferry. Moins de 5 euros pour embarquer le vélo. Le temps commence à se rafraîchir. J’installe mon vélo puis remonte sur le pont pour profiter de la traversée.

Je fais la traversée en compagnie d’un passager clandestin, un goéland, qui s’est posé près de nous, en mode « ferry-stop ». Autour de nous, quantité de portes conteneurs imposants. Moins d’un quart d’heure plus tard, on débarque de l’autre côté du Westerschelde, à Vlissingen. Je me pose pour prendre un café et me réchauffer surtout. Tandis que je retourne à mon vélo je croise un couple de Hollandais assez âgés. Ils semblent intrigués par mon vélo et ils ont lu la pancarte. Le petit vieux est très surpris de ce genre de voyage, il me félicite dan ssa langue, je sors mon dictionnaire, bredouille quelques mots, je tente de lui dire que je parle pas un mot de Hollandais, mais qu’importe il n’arrête pas de me parler, il est très enjoué, il me sert la main et me souhaite bon courage.

Je me décide à changer de cartes pour prendre celle de Hollande pour me rendre compte que… je ne les trouve plus. Mes trois cartes hollandes et Allemagne ont tout simplement disparu de mes sacs. Je fouille, refouille, rien.  Sur le parking des hordes de touristes passent regardant ce Français entrain de s’agiter autour de son vélo, qui déballe ses affaires et semble se lamenter. Je finis par faire mon deuil,  j’ai sans doute oublié ces cartes à Bruges au moment de faire mon sac, qu’importe, j’en achèterai d’autres mais je n’irai pas plus loin que Middleburg aujourd’hui, en bordure de la dernière carte qui me reste. Je préfère les cartes au GPS et pour une raison toute simple mais je n’en parlerai pas encore, un peu plus tard dans le voyage je m’y retrouve confronté et mes choix ont été payants.

Je roule vers Middleburg, je longe un très beau canal, et je croise toujours autant de cycliste du dimanche. Arrivée en ville, je demande où se trouve le camping (mon internet m’en a signalé un à proximité). Je m’adresse à l’office du tourisme local mais celui-ci vient juste de fermer. Une autre personne m’explique qu’il y avait un camping mais qu’il a fermé l’an dernier. Il m’oriente vers un « mini camping » à la sortie de la ville. Je suis ses indications et j’arrive vers une ferme, tout à la sortie de la ville. Je frappe à la porte, une homme vient m’ouvrir et m’amène vers mon emplacement de camping, derrière une haute haie. L’endroit tient surtout du camping à la ferme, avec son lapin en liberté et sa chèvre dans son enclos. Mais il y a toutes les commodités d’usage pour un camping: douche chaude, toilettes, cuisine… Les autres touristes sont Polonais, ils logent dans des mobile homes non loin. Je remarque aussi que décidément le trampoline est une activité répandue aux Pays Bas, j’en vois partout dans tous les jardins.

Tandis que je sors mes affaires pour poser ma tente, mon regard est intrigué par la doublure d’une de mes sacoches. En y fourrant la main j’y découvre…. les cartes que je cherchais partout,  je les avais glissé par erreur là…. Une fois la tente posée, je file en ville.  A cette heure ci la ville est déserte. Le centre ville a beaucoup souffert lors de la dernière guerre, il fut rasé par les bombardements allemands mais fut reconstruit à l’identique.

Je reviens à mon camping. Je discute un peu avec la femme du propriétaire du camping. Quand je lui explique mon trajet à venir, elle me conseille de faire un détour par Veere qui d’après elle est un coin à voir absolument. J’en prends note. Je retourne sous ma tente, et m’endors instantanément.

Cela fait plus d’une semaine que je suis sur la route et je suis bien content de prendre un premier jour de repos. Selon mon planning je m’en  suis prévu au moins deux. Pour l’instant je suis dans les temps. De toute façon j’ai déjà prevu mon retour en train depuis Berlin donc je peux prendre  mon temps, j’ai encore trois semaines de route devant moi, ce qui donne un effet grisant, je ne suis qu’encore au début du voyage.

Si hier il avait fait un grand beau temps, ce matin quand je me réveille, j’entends la pluie taper sur les parois de la tente. Je dois me résoudre à déjeuner dans ma tente, où je suis très à l’étroit. Et essayer de déjeuner couché, vous verrez la difficulté de la chose. Vers 9h la pluie cesse mais le temps reste très couvert et menaçant, quelques gouttes ici là. Je pars en ville non sans emporter un poncho.

Le plus difficile quand on prend un jour de repos sur la route, c’est partir avec le vélo délesté de tous les bagages. J’avais déjà eu un avant goût lors de ma balade à Ypres. On a l’impression que le vélo n’a plus aucune direction, que le guidon est cassé et tourne dans le vide. Il faut de longues minutes pour se réhabituer à un vélo redevenu léger.

Je vais rouler autour des canaux et du centre ville popularisés par le film « In Bruges » qui a ramené quantité de touristes.

Certaines parties, curieusement désertées par les touristes sont une invitation à la balade, on a simplement envie de s’asseoir sur un des bancs et de méditer devant l’étendue immobile des canaux. Je vais prendre un café au Bean around the World, un café americain, très tranquil, aux larges fauteuils de cuir, idéal pour se reposer. Dehors la pluie recommence à tomber, d’abord en bruine puis de manière soutenue.

Je sors mon poncho et file vers le beffroi tandis que la pluie devient en plus forte.

Sous les voûtes, les passants et touristes s’agglutinent, un groupe de musiciens de rue profite de cet auditoire improvisé pour nous sortir leurs oeuvre intégrales.On reste là plusieurs minutes, j’appréhende que la pluie continue comme ça toute la journée. Mais finalement au bout de dix minutes c’est l’éclaircie et je peux continuer ma promenade.

J’en profite pour voir un peu les rues en dehors du centre.

Après avoir fait le tour des ancienens portes des fortifications je me décide à faire quelques courses pour la suite du voyage. Je me rends compte aussi que ma carte bleue ne passe pas dans ce coin d’Europe – alors que je pouvais payer dans un autre coin paumé de l’Inde. Et on m’explique que je vais avoir ce genre de problème en Hollande et Allemagne. Je retourne au camping, mange un morceau. J’attends que la nuit tombe pour retourner faire des photos en ville. J’ai constaté  aussi d’un léger soucis: sur mon vélo j’ai installé une sorte de klaxon qui fait un maximum de bruit. Très amusant mais le piéton et le cycliste local sont plus habitués à la sonnette classique et à quelques reprises cela m’a joué des tours. Il va falloir y remédier.

Une fois la nuit tombée, je file donc en ville et prends quelques clichés des canaux endormis, du fait d’un concert tout proche , du coup certains coins de la ville sont déserts. Mais au abord du concert ce qui marque c’est la quantité de vélo présent. Ici, tout le monde se déplace vraiment en vélo.

Et normalement, demain, direction la Hollande.

Je suis presque déçu de quitter Ypres, mais j’y ai passé tellement de temps que j’ai la sensation d’y être resté deux jours… Devant moi deux possibilités, rallier directement Bruges ou passer par Diksmuide, ce qui va me rallonger un peu la route mais la R1 passe par là.  Au lever, il fait un temps superbe. Une fois le vélo chargé, je repars en ville pour ma corvée de cartes postales puis reprends la route sur les coups de 10h30. La route jusqu’à Passendale est longiligne, sans trop de difficultés avec un léger vent dans le dos. Je me pose quelques minutes dans l’enceinte du parc de la Bataille de Passendale pour manger. Devant l’entrée, un blockhaus, criblé de balles.

J’arrive à Passendale, ville rasée lors du 1er conflit mondial. L’endroit n’était qu’un gigantesque champ de boue au milieu duquel Canadiens et Allemands tentaient de survivre. Elle fut à nouveau bombardée lors la 2eme Guerre Mondiale. La ville était située sur une colline dominant la plaine, on comprend son intérêt stratégique. Je m’arrête sur la grand place pour consulter ma carte et me rendre compte qu’au lieu de filer jusqu’à Diksmuide je peux aller directement vers Bruges.  Je me mets donc en route, longeant la Nationale, toujours en roulant sur la piste  cyclable que je n’ai pas quittée depuis Ypres.  A certains endroits, on a même une haie qui sépare la piste de la route Nationale, évitant les appels d’air lorsque les poids lourds nous croisent.

Sur la route, on voit des pubs assez sympathiques…

La route est très très très longiligne et dans ces cas là, l’ennui arrive très vite, on a pas la sensation de rouler ou d’avancer. Mais la perspective de prendre mon premier jour de repos depuis mon départ m’emballe assez et je termine la dernière dizaine de kilomètres qui me sépare de Bruges. Sur la route j’ai regardé sur le net et trouvé un camping bien noté juste à la périphérie de la ville, dans le quartier de Saint Kruis. Il faut pour cela contourner légèrement la ville. Première chose que je note quand j’arrive dans Bruges c’est que la ville est vraiment étudiée pour les vélos, et pas un simple gadget… Même si parfois la signalisation n’est pas très clair et je me trompe plus d’une fois d’embranchement…

J’arrive au camping et là, à l’entrée je vois le panneau fatidique « COMPLET ». Le manager est absent, je regarde un peu nerveusement sur internet si je n’en trouve pas un autre, pas trop loin. Entre temps le manager arrive et quand je lui demande s’il reste de la place il me répond pour la positive. L’avantage de voyager seul et en vélo c’est qu’on ne prend pas beaucoup de place. Donc on peut très bien théoriquement trouver de la place et poser sa tente dans un camping qui affiche pourtant complet.  Dans le camping je discute avec des Hollandais de passage. Quand je leur explique mon trajet ils me conseillent de pousser jusqu’à Amsterdam. Sauf que la R1 n’y passe pas, elle fait un crochet à Rotterdam. Mais je garde l’idée en tête si je suis  en avance. Ils me conseillent de passer aussi par Arnhem, théâtre de la bataille Markent Garden et du film  » Un pont trop loin ». Et d’éviter Nimegues, ville assez moche selon leurs dires…

Je croise aussi un autre Hollandais qui voyage d’une bien drôle manière…

Une moto qu’il a entièrement retapée avant d’y adjoindre une remorque. Dans la remorque, sa tente et ses affaires… et son chien, un gros berger allemand. Il m’explique que le moteur de la moto n’est pas vraiment étudié pour, du coup pour éviter une surchauffe moteur, il doit se contenter de rouler 70 km par jour. Etant d’Amsterdam il me propose de me loger si j’y passe. On échange nos adresses.

J’avais pensé un temps passer la soirée en ville mais je suis fatigué et décide de rester au camping. Je mange, rédige mon journal de bord, quasiment 500 km de parcourus… J’espère avoir le même temps pour demain…

Quand je me lève, vers 7h, il fait grand beau temps. Il est tombé pas mal de pluie la nuit passée et je dois lutter dans la tente pour éviter que mes affaires ne prennent l’humidité. Il suffit que la toile de tente soit mal tendue ou pas assez, pour que les sacoches en appuyant contre les parois s’humidifient très vite.  Après avoir fait le plein pour mes bidons, je m’occupe aussi de changer mon panneau « Paris Berlin ». Les récentes pluies l’ont rendu méconnaissable. Je trouve un morceau de carton assez résistant dans le container du camping. Puis je file en direction de Nieppe. Mais d’abord une petite pause dans une épicerie. Sur le comptoir est posé le journal du jour qui titre « 6 cadavres de bébés retrouvés enterrés dans le Nord ». Décidément.

Mais le temps finit par se gâter rapidement, c’est très sombre et j’ai de nouveau un méchant vent de face. Je dois même m’abriter d’une averse dans une grange. Et il fait aussi très froid. La frontière se rapproche, cette frontière après qui je cours depuis deux jours. Certes franchissement symbolique mais quel plaisir. Je stoppe aussi pour m’acheter de quoi manger. A l’entrée de Nieppe, je m’arrête dans une pharmacie. Depuis quelques jours j’ai une douleur au genou gauche et aujourd’hui elle se fait plus pressante, le pédalage devient douloureux. J’avais eu le même type de douleur 6 ans plus tôt lors de mon Paris Dax et un pharmacien m’avait donné une très bonne pommade. Là, de même, on me donne une pommade assez efficace. Puis là commence le gag de la journée: essayer de trouver un ouvre boîte. J’ai oublié le mien à Paris. Je commence à faire plusieurs magasins, sans succès, avant de jeter mon dévolu sur une zone commerciale au sud de Nieppe. Cette histoire me fait perdre une bonne demie heure…

Après une bonne quarantaine de  kilomètres j’arrive enfin à la frontière, à Romarin. Je vais pic niquer dans l’herbe près de ce qui fut un ancien café. Vous voyez la bande grise sur la photo à l’entrée de la rue, à gauche. C’est une piste cyclable. Et rouler va vraiment devenir un plaisir désormais.

Je prends la direction de Nouvelle Eglise (Nieuwkerke). Et le Plat Pays commence par… un spectaculaire faux plat qui me laisse épuisé quand j’arrive sur la grand place de Nouvelle Eglise.  Une petite pause au Chaplin, le café sur la place puis direction Ypres (Iper) La route est belle, vallonnée, quelques côtes mais rien d’épuisant, c’est même agréable d’alterner les petites descentes et les côtes.  Sur le bord de la route, une vieille voiture.

La route est belle, les kilomètres défilent. Je passe devant un monument Americain, de la première Guerre Mondiale.

Et j’arrive à Ypres très tôt, vers 16h. J’entre par la porte de Lille, vraiment superbe. Je tombe sous le charme de la ville instantanément. Le soleil qui se couche donne une jolie couleur aux briques ocres.

C’est le coup de coeur. Je me promène un peu en ville. Sur la grand place des forains sont entrains d’installer les manèges pour une fête, les touristes déambulent, les terrasses de cafés sont pleines. Je suis complètement conquis par la ville, je lui trouve un charme fou.

Je me dépêche de me rendre au camping. Celui-ci est situé juste à côté de la ville, on le rejoint par une piste cyclable longeant les anciennes fortifications de Vauban. Et le camping est classe. Tout neuf de deux ans, très bien organisé, les sanitaires sont parfaits. Je n’en reviens de trouver un coin aussi sympa. Je profite d’avoir un peu de temps devant moi pour faire un brin de lessive. Puis je retourne en ville, je longe les fortifications, le centre-ville puis j’attends 20h pour la sonnerie du Last Post à la Porte du Menin, cérémonie quotidienne où les troupes anglaises rendent un hommage émouvant aux soldats tombés en 14/18 dans la défense du saillant d’Ypres et qui n’ont pas de sépultures.

Les noms de plus de 60 000 soldats du Commonwealth sont inscrits ici. La cérémonie est digne, sobre, les Anglais sont très nombreux à se presser sous les arcades du monument.  Je continue de me promener autour des fortifications. Il y a une sensation de bien être, de calme qui se dégage de la ville.

Je retourne au camping manger un morceau. Puis je repars en ville dans la soirée, faire quelques photos de nuit.

Je me couche mais je regrette beaucoup de quitter déjà la ville et la région. Je ne m’attendais pas du tout à autant apprécier le lieu.

Quand je sors de la tente ce 28 juillet, le temps est radieux, grand soleil. J’ai donc intéret à vérifier mes réserves en eau, une bouteille dans chaque sacoche.

Je prends un peu mon temps ce matin là. Je pense d’abord rallier Wormouth, j’aimerai bien rejoindre le plus vite possible la R1 pour filer en Belgique. En fait je suis impatient de franchir la frontière, j’ai un peu l’impression que le voyage va vraiment commencer à ce moment. La frontière je l’aperçois sur ma carte. Je vois aussi Arras et même si je n’aime pas traverser les grandes villes en vélo, je pense faire une exeption.  Et sur un des dépliants touristique du camping, on m’annonce que c’est jour de marché. Autant en profiter.

Je roule en direction d’Arras, évitant soigneusement les grands axes. Il fait très chaud et je dois m’arrêter parfois pour reprendre mon souffle, surtout que j’enchaîne les faux plats et les côtes depuis ce matin. Là je dois emprunter une nationale sur quelques centaines de mètres avant d’obliquer rapidement sur une route en travers des champs. Ici les champs de blés  n’ont pas été encore moissonnés et étalent leur blondeur à perte de vue. Oh yeah.

Ici et là on voit quelques cimetières militaires britanniques ou français, petits ilôts perdus au milieu des champs. je m’engage sur un chemin assez cahotique, le vélo remue de partout. Parfois un choc trop dur et une des sacoches peut se décrocher – surtout celles qui sont à l’avant. J’ai un VTC, premier prix chez  Go Sport. Sur un vélo similaire j’avais fais mon Parix Dax  6 ans plus tôt. Jusqu’ici aucune crevaison et un saut de chaîne.  J’arrive sur une zone industrielle puis au bout d’une quinzaine de kilomètres entre enfin dans Arras… par la Rue de Berlin, ça ne s’invente pas. A vue de nez, je sens que la journée va être longue. A peine 15 km à 11h30, c’est très loin de ma moyenne de 30km en moyenne par demie journée.

J’arrive enfin dans Arras, le centre ville est balisé de pistes cyclables. Je me dirige vers la grand place, la place des Héros. Petite deception, elle est en travaux, donc peu photogénique.

Je profite du marché pour faire le plein de produits de terroir: j’achète quelques fromages locaux (dont un « coeur d’Arras » et un autre, affiné à la bière).

Je fais le tour du centre à la recherche d’un banc pour me poser, sans en trouver un. Finalement j’opte pour un coin tranquil près d’un jardin public. Je me fais donc un bon gueuleton en attendant de reprendre la route et vu le retard que je suis entrain de prendre, elle va être longue la route.

Je repars, en traînant la patte. La chaleur est écrasante et j’essaye de trouver un endroit où remplir mes bouteilles. Manque de bol un des cimetières que je trouve sur la route ne dispose pas de robinet. Sur la carte j’ai repéré Vimy et son monument canadien. J’hésite à y aller car ça me dévie de ma route. De toute façon, j’ai déjà fais une croix sur Wormouth, trop loin. Pour l’instant je roule en direction de Lens.

Vers 15h je suis vers Ecurie. Je me pose dans l’herbe devant l’église, histoire de me rappeler que tout cela n’est pas une course mais des vacances. J’hésite vraiment à aller au mémorial de Vimy, une demie heure de prise pour la visite sera une demie heure de plus sur la route. Mais qu’importe, cela fait partie des lieux que j’ai vraiment envie de voir.

J’y arrive vers 16h. Et pour l’instant j’ai à peine fait 35km. Il faut savoir que l’emplacement du mémorial est un morceau de Canada en France, depuis les années 20. En mémoires des soldats tombés ici, la France a fait don de manière perpétuelle de ce bout de territoire au Canada, ce sont donc des agents des parcs nationaux canadiens qui assurent la visite. Et quelle visite. Une fois mes gourdes remplies d’eau, je fais une petite promenade au milieu des cratères et des trous d’obus. Spectacle dantesque.

Il y a là des cratères de plusieurs mètres de profondeurs résultants d’explosions de mines souterraines. Certains sont encore enfouies et il y a quelques années, un démineur de l’armée canadienne a trouvé la mort dans l’effondrement d’une galerie qui conduisait à une de ces mines, enterrées depuis 90 ans. Quelques temps avant, il avait désamorcé une de ces mêmes mines située juste sous le local d’accueil des visiteurs. Vu que je n’ai pas trop le temps, je n’irai pas jusqu’au monument, je l’apercois de loin.

Mais ce paysage d’apocalypse se suffit à lui même. Je croise des gamins entrain jouer à la guerre dans les tranchées reconstituées en béton. Vraiment étrange comme sensation. Je remonte en selle, la route mène vers une autre bataille symbolique, Notre Dame de Lorette. A Saint Martin d’Amblain, je me pose près de l’ancienne église, ravagée par les bombardements.

Le bâtiment a été conservé tel quel à la fin de la guerre. Les murs sont criblés de balles, d’impacts de bombes. La nature s’est lentement réappropriée l’endroit.

Il est près de 17h, je commence m’inquiéter : où vais-je dormir ce soir. Ma carte routière en indique quelques uns mais pas tous. Et le vent qui souffle en rafale me gène un peu quand je la déplie. Sur internet, j’en trouve quelques uns mais tous très loin. Un des plus proches, à Violaines, se situe à une vingtaine de kilomètres, juste après Lens. Pendant ce temps, un chien posé sur un muret me regarde d’un drôle d’air.

Et je repars, cette fois avec le vent dans le dos. Direction Lieuvain dans un premier temps. Au détour d’une rue, je vois mon premier terril. Les gens du coins me regardent avec amusement quand je le prends en photo.

J’enchaine ensuite sur un méchant faux plat jusqu’à Loos en Goelle. De là, une piste cyclable est aménagée sur le bas côté.  je franchis un canal vers La Bassée avant d’obliquer sur Violaines.

Je vois enfin les premiers panneaux « camping » quand j’entre dans le village.  Mais au bout d’un moment je commence à me demander si je ne l’ai pas dépassé par inadvertance. je reviens sur mes pas et demande mon chemin à un couple. Effectivement, j’ai raté un embranchement, pour la simple et bonne raison qu’il n’est pas indiqué.

Le camping est sommaire. Un maigre terrain presque boueux en bordure d’un étang. Le tout géré par la commune mais pour un prix par nuit ridicule, moins de 4€. Le sol est dur et je suis bien content d’avoir amener un petit marteau pour mes piquets de tente. Puis pour finir la journée, le même protocole, l’écriture du carnet de bord tandis que je me fais réchauffer quelques choses. Si le temps a été clément aujourd’hui, de lourds nuages arrivent. Et je suis impatient d’être à demain, car demain, j’entre enfin en Belgique. A peine posé dans la tente, j’entends la pluie qui commence à tomber. Et pour l’instant plus de 363 kilomètres cumulés depuis mon départ de paris.